Contre le confusionnisme : pour une gauche lucide et courageuse


Il est des récupérations qui ne sont pas seulement cyniques, elles sont profondément nauséabondes. Comment la critique légitime peut-elle être ainsi pervertie ? C'est une question qui me ronge, surtout quand je vois des discours anti-israéliens récupérés par l'antisémitisme le plus abject, et simultanément abandonnés par une gauche qui semble avoir perdu sa boussole morale.

Le cas de Blanche Gardin est, à cet égard, emblématique et douloureux. Son sketch sur Gaza d’il y a quelques mois, provocateur par essence mais d'une sincérité désarmante, a été ignoblement instrumentalisé par des figures proches de Dieudonné, qui y ont vu une validation de leur rhétorique abjecte et haineuse. Pourtant, Blanche Gardin n’a jamais été de leur camp, ni de près, ni de loin. Elle est une militante engagée, une femme de gauche, profondément ancrée dans les luttes communistes et anticapitalistes, et viscéralement attachée à la justice sociale. La voir ainsi récupérée par des groupes qu’elle abhorre est une violence symbolique insupportable.

Mais au-delà de cette récupération ignoble, ce qui m'exaspère davantage encore, c'est la lâcheté avec laquelle la gauche réagit. Trop souvent, elle s'enlise dans un anti-israélisme indistinct, incapable ou refusant de tracer la ligne entre la critique légitime d'une politique gouvernementale, la dénonciation de l'occupation, et un antisémitisme rampant qui s'abreuve de cette confusion. Cette incapacité à distinguer nourrit non seulement l'antisémitisme, mais dessert aussi la cause palestinienne en la discréditant. Elle laisse le terrain aux extrêmes, leur offrant un boulevard, au lieu de soutenir les voix juives critiques du gouvernement de Nétanyahou — celles qui incarnent une résistance intègre, audacieuse et résolument humaniste.

Il est impératif que la gauche se ressaisisse et prenne une position inéquivoque. Pas simplement « contre Israël » de manière floue, mais résolument aux côtés des Juifs qui dénoncent les dérives du gouvernement israélien, qui refusent l'occupation, qui défendent les droits des Palestiniens sans renier leur identité et leur histoire. C’est là que se joue la vraie ligne de fracture : entre ceux qui veulent la justice et la nuance, et ceux qui veulent la haine et l'amalgame.

Blanche Gardin a osé. Elle a payé un prix lourd pour son courage, blacklistée et insultée. Mais elle a gardé son honneur intact. C'est à nous, et en particulier à la gauche politique, de ne pas la laisser isolée dans cette lutte, de reprendre le flambeau de la justice et de la clarté. Le moment est venu de choisir notre camp : celui de la justice et de la nuance, ou celui de la haine et de l'amalgame. Blanche Gardin a montré la voie. À nous de la suivre.